Le vide au service de la créativité

8 janvier 2024

Une autre forme de vide

Pour continuer sur une histoire personnelle, le tri et le rangement sont des choses assez naturelles dans notre famille. Puisque notre mère nous avait donné une mission à faire tous les 6 mois quand nous étions enfants : devoir faire du tri dans les vêtements qui ne nous satisfaisaient plus, afin d’en faire don à une association en particulier. Elle nous demandait de faire de même pour les jouets, tâche plus difficile, car enfant il y avait un attachement émotionnel très important avec nos jouets. Même si le jeu n’était plus utilisé.

Non seulement pour elle, si nous n’en n’avions plus l’utilité ou s’il ne nous plaisait plus, il pouvait tout à fait avoir une seconde vie entre les mains d’une autre enfant. Mais aussi parce que ce rituel selon elle, devait nous apprendre à faire le vide.

Vider les étagère, le grenier, les affaires qui peuvent être utiles à d’autres, faire le vide dans la tête par la même occasion. Je me souviens d’ailleurs qu’elle éprouvait une grande satisfaction à faire ces rituels là.

Quand j’ai lu le livre de Marie Kondo il y a quelques années, c’est donc venu conforter une philosophie que j’avais depuis l’enfance. Toutefois, en abordant l’angle de la satisfaction. J’ai d’ailleurs fais du tri dans les relations insatisfaisantes avec ce principe ^^ Mais j’ai surtout dû fais quelque chose qui me paraissait impossible à faire : faire le tri dans toutes mes affaires de l’enfance car le confinement avait démontré à notre mère que nos cartons avec toutes nos affaires d’enfant n’étaient absolument plus nécessaire dans le grenier et qu’il fallait y jeter un œil !

Ainsi donc, nous voilà en famille à être penchés sur nos cartons, à se remémorer certains souvenirs et à faire justement une introspection rapide à chacune des choses que nous regardions pour savoir si réellement ces objets, ces cours, ces bibelots, ces petits mots que les copains/copines avaient donnés, ces agendas illustrés avec plein de petites phrases dedans…avaient véritablement de la valeur dans notre cœur.

D’une part c’est devenu une activité très satisfaisante à faire en famille puisque ça nous remémorait beaucoup de souvenirs par la même occasion, plein de rigolades, de rappels sur des frustrations ou des moments douloureux à l’école et donc une consolidation des liens. Et, je me suis rendue compte qu’il était bien difficile de me détacher de ces objets là. J’y mettais une grande importance émotionnelle pour beaucoup d’entre eux. Or, voyant le grand détachement émotionnel de ma sœur sur ses objets, je me suis dit qu’elle avait une grande capacité de tri que je n’avais pas.

Ainsi donc, j’ai passé en revue mes objets une deuxième fois, un deuxième jour à nouveau en famille pour faire encore plus de tri et finalement très honnête avec moi-même. Ce qui m’a ramené à un passage de Serge Marquis dans sa première conférence Du plaisir et du sens dans la vie de tous les jours où il dit qu’il a regardé la salle dans laquelle il entreposait énormément de livre en vue de les lire et qu’il se savait malhonnête avec lui-même car jamais il ne les lirait tous.

De trois énormes cartons, je suis passée qu’à un seul dans lequel il reste bien peu de choses. Par contre celles-ci, j’y suis fortement attachée, elles sont très empreintes d’émotion et donc de valeur à mes yeux. Et au moment où nous sommes arrivées à la déchetterie avec ma sœur, en voyant le reste de mes affaires jetées dans la benne, il y a eu comme une sorte de soulagement, comme un vide entier qui avait été fait à l’intérieur de tout le mon être. Je me suis rendue compte combien le principe d’avoir une maison relativement vide était important pour moi, mais que je ne faisais pas de même avec mes souvenirs. Et que finalement en conservant tous ces souvenirs, même s’ils étaient pour la plupart agréables, ils représentaient une charge pour mon mental.

La sensation était telle que j’avais l’impression d’avoir fait un pas en avant, comme si je venais d’ouvrir une grande porte. Je venais de laisser la place à de nouvelles choses, à de nouvelles aventures. Et même si les objets ne subsistent plus rangés dans des cartons ( encombrent le grenier et donc potentiellement encombrent mon mental ) et bien les souvenirs sont toujours présents et ce dont je me souviens est amplement suffisant. Il n’était pas si nécessaire d’avoir une grande quantité de choses pour me souvenir de bons moments. C’est un peu comme quand on prend 100 photos de ses vacances, en réalité seulement deux seraient tout à fait nécessaires. Car toutes les autres sont imprimées dans la tête, émotionnellement dans le cœur, et c’est tout à fait suffisant.

Et c’est suffisant. S’autoriser à flâner, faire le vide, c’est suffisant pour fertiliser un terrain créatif, que l’on a depuis l’enfance pour le retrouver.

La créativité naît par le vide

Entre autre. Et, la créativité n’est possible, que si le cerveau est disponible. Je prends conscience régulièrement des moments où je suis disponible ou non pour ça. Quand des projets de jeux apprenants nécessitent de la création, je vais me prévoir des plages horaires avec du « rien dans l’agenda ». Cela m’est clairement nécessaire car pour pouvoir imaginer des nouveaux jeux ou des nouveaux événements, il me faut avoir un mental apaisé et relativement vide pour y ajouter les nouvelles idées.

S’ajoute à cela un autre grand principe fondamental pendant les temps de créativité, c’est de tout accepter. Cela fait énormément écho à une discipline que j’affectionne particulièrement, l’improvisation, où toutes les idées quelles qu’elles soient seront bonnes. Alors bien sûr au sens pragmatique, elles ne sont pas toutes bonnes. Mais ce que l’on entend par là, c’est qu’il n’y a absolument aucun commentaire ou jugement à faire, même si les idées en question ne sont pas réalisables. Cela n’a aucune importance. On ne recherche pas dans un premier temps le factuel, le pragmatique ou le réalisable, car sinon dans ces cas-là, ce n’est en aucun cas une séance de créativité. Si on cherche le réalisme, même avec 200 minutes de brainstorming devant soi, ce sera plutôt une séance de castration du cerveau.

Il est impératif d’accueillir absolument toutes les idées comme elles viennent, quitte à les écrire et les faire évoluer. Pour ma part, je jette tout sur du papier brouillon et/ou mind mapping, pour les faire grandir. C’est vraiment important car se discipliner à vouloir quelque chose de réalisable tout de suite, freine la créativité, les idées ne viennent plus et donc la frustration augmente. Ce que l’on veut c’est l’inverse, c’est même l’imaginaire, c’est même l’irréalisable, c’est même le fantasque ! Il faut absolument aller loin, très loin pour plus tard revenir au réalisable. En écrivant les idées, on les garde toutes en mémoire, avec un maximum de détails, quitte à venir nourrir un grand cimetière d’idées qui ne verront jamais le jour.

Pourquoi les écrire ? D’une part parce qu’un brainstorming peut durer dans le temps. Voire même chez moi, des créations de jeux, peuvent prendre plusieurs mois. Donc on finit par oublier les premières idées qui ont été jetées.

D’autre part, quand on brainstorme à plusieurs et que l’on écoute les autres, on les écoute avec nos filtres. Il y a donc des idées que l’on va garder et d’autres que l’on va oublier dans le fil de la conversation. Or, elles sont mises de côté uniquement parce que chacune écoute avec son filtre, pas parce qu’elles n’ont pas de valeurs. Comme on considère toutes les idées bonnes dans un brainstorming, on doit donc tirer le fil de toutes ces idées, tôt ou tard. Pour éviter de les oublier, il faut les noter pour pouvoir y revenir régulièrement.

D’ailleurs, je garde toutes mes sessions de brainstorming, et je les relis de temps à autre. Car il y a des idées qui sont parfois nées avec le mauvais timing. Mais entre-temps, la maturité du projet, ma propre maturité ou même la maturité d’un marché a évolué. Et ces idées peuvent ressortir du placard pour les améliorer, ou aider au rebond créatif.

Et pour refaire du lien avec Marie Kondo, en jetant toutes les idées sur papier, comme on pourrait jeter des objets, on vide le cerveau. On le nettoie de tout ce qui l’encombre, toutes les idées potentiellement bonnes ou mauvaises. Et par ce vide on accueille du rebond d’idées. Parce qu’ainsi quand on les repassera en revue, le cerveau est disponible pour écouter ce principe de « Est-ce que c’est satisfaisant ? » Et, si à l’ évocation de certaines idées cela te procure du plaisir ou de l’envie et bien c’est sûrement qu’il faut tirer le fil dessus. Et donc, potentiellement ces idées là qu’il va falloir nourrir. Le parallèle avec la méthode de rangement à la Marie Kondo est intéressant pour ça.

Je dois avouer que cet article du Huffington qui propose 18 choses à faire pour stimuler la créativité est assez pertinent. Il se base sur une étude faite sur des personnes faisant preuve de créativité qui ont ces 18 points en commun.

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